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Pages Françaises, 11. 4. 2012
Vaclav Klaus, le président de la République tchèque, est le véritable pape des souverainistes européens. Rien ou presque ne trouve grâce à ses yeux parmi les développements dans l'Union européenne depuis la présidence de Jacques Delors de la Commission européenne. Il s'en explique.
Quel est votre diagnostic de la crise européenne ?
La crise européenne est beaucoup plus profonde que ce qu'on pense. La crise n'est pas importée. Elle est « faite maison ». La crise de la dette de la zone euro n'est que la partie émergée de l'iceberg. Elle est la conséquence logique de la construction de l'Union monétaire entre des pays très différents sur le plan économique. Les pays européens ont des destinées différentes. Le véritable objectif des responsables qui portent ce projet est de parvenir à une Union budgétaire et politique. Pour survivre, l'euro devra s'appuyer sur ce type d'union. La conséquence de la crise sera le renforcement de cette union. Il n'y a que deux voies possibles pour le maintien de la monnaie unique : une perte totale de souveraineté pour les pays qui l'ont adoptée ou une zone euro plus réduite.
Vous sentez-vous européen ?
Etre européen est l'une de mes identités. Pas la seule. Je suis centre-européen, pragois, tchèque. La question est de savoir laquelle de nos multiples identités est plus forte que les autres. J'ai donné une interview à une chaîne française. Elle a été diffusée après trois informations : les événements à Dakar et en Syrie, et les défilés au Portugal. De mon point de vue, ces trois informations sont identiques. Je ne peux pas dire que les défilés au Portugal ont davantage d'importance ou que je les ressens plus proches que les deux autres informations sur le Sénégal etla Syrie. Jen'ai rien contre le Portugal, mais ce qui se passe là-bas n'est pas mon problème et ne fait pas partie de ma vie.
Quelle sera la suite de la crise européenne ?
Il ne se passera rien de différent de ce qu'on connaît déjà. L'Europe continuera probablement à repousser la solution des problèmes réels. On s'achemine vers une stagnation permanente ou une croissance très faible. Et les problèmes vont augmenter. Pour éviter cela, il faut reconsidérer sérieusement le projet d'intégration et le modèle économique et social européens. Il faut opérer des changements radicaux. L'Europe a besoin d'un processus long de changements, quelque chose qui ressemble à la transition dans les pays d'Europe centrale après la chute du communisme. Cela prendra des années, des décennies, peut-être. Ce processus n'est en rien technique et devra être bien organisé. Il ne peut pas démarrer à Bruxelles par des réunions d'experts ni par la volonté de quelques grands pays européens. Son premier pas devra être la reconnaissance par les responsables politiques de la profondeur de la crise. Ce qui n'est pas le cas.
Que pensez-vous de la position britannique sur le nouveau traité de discipline budgétaire ?
David Cameron n'a proposé que des modifications cosmétiques. Plus largement, il m'apparaît inacceptable que deux pays ne puissent pas ne pas signer un tel traité. Pour ma part, je plaide pour des changements fondamentaux. Je suis favorable aux décisions prises par tous les gouvernements, pas par certains d'entre eux ou par la bureaucratie de Bruxelles. Or, le nouveau traité renforce dramatiquement le supranationalisme.
Votre pays est toujours candidat à l'euro...
Le nouveau gouvernement tchèque a déclaré en juin 2010 qu'il ne fera rien pour adopter la monnaie unique. Je serais très content sila Républiquetchèque renonçait à l'euro mais ce n'est pas à l'ordre du jour.
Avez-vous des contacts avec les responsables français et allemands ?
Depuis des années, je discute régulièrement avec Angela Merkel. Je la rencontrerai encore cet après-midi (mardi dernier, NDLR). Je n'ai eu aucun contact avec le gouvernement français lors de mon actuel passage à Paris. Je n'ai pas de discussions avec les responsables français.
Massimo Prandi, Les Echos, 5. 4. 2012
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