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Pages Françaises, 17. 2. 2009
Paris Match: Seriez-vous le premier président européen “euro-sceptique”?
Václav Klaus: Non. D’abord, je suis d’une nature optimiste, y compris pour le développement du continent européen. Puis je ne pense pas en terme d’euro-scepticisme, je préfère parler d’euro-réalisme. Je suis un euro-réaliste, à l’inverse de beaucoup de gens qui, dans votre pays et ailleurs, sont euro-nihilistes.
Qui sont ces euro-nihilistes?
Ceux qui veulent faire disparaître les Etats d’Europe pour créer un seul Etat européen. Ce serait une erreur tragique. J’espère qu’elle ne verra jamais le jour.
Sans aller jusqu’à la création d’un seul Etat européen, ne considérez-vous pas que, dans un monde dominé par de grands pays comme la Chine, les Etats-Unis, des nations comme les nôtres devraient s’unir? Une Europe “intégrée” n’est-elle pas une nécessité?
Je n’ai pas peur des grands pays, ni des petits, mais des mauvaises politiques. Penser en terme de grandeur est une erreur. Je n’ai pas peur de la Chine ni des Etats-Unis, mais de la dégradation des libertés individuelles et de la démocratie en Europe.
Dont serait responsable l’Union européenne... Est-il vrai que vous la comparez à l’Union soviétique?
C’est très difficile de vous répondre. Une chose est sûre : dans l’Union européenne, comme naguère en URSS, des décisions très importantes ne sont pas prises dans les pays qu’elles concernent. A l’époque soviétique, certaines décisions étaient prises à 2 000 kilomètres, c’est quelque chose que nous n’oublierons jamais.
Que faut-il changer pour que l’Union européenne retrouve grâce à vos yeux?
Ma seule suggestion serait de rapatrier des compétences vers les Etats. Je ne suis pas favorable à une politique étrangère commune, ni à une politique énergétique commune. Je pense que transférer autant de compétences à Bruxelles était une erreur. Beaucoup de Français sont heureux de savoir que les décisions se prennent à Paris.
Vous n’êtes pas un apôtre de l’Europe politique. Comment avez-vous perçu le style de gouvernance de Nicolas Sarkozy, président de l’Union européenne?
Je n’ai rien contre M. Sarkozy, mais ce n’est définitivement pas ma façon de faire de la politique.
En tant qu’économiste, que pensez-vous du G20?
Là, il ne s’agit pas seulement d’Europe, puisque les Etats-Unis appellent eux aussi à une régulation du capitalisme. La tentation de “réguler” revient à chaque crise économique. Au sommet de Davos, après avoir écouté les propositions des uns et des autres, j’ai dit que j’avais davantage peur des réformes que de la crise! La crise est un phénomène économique avec sa propre dynamique interne. Ce serait une erreur de vouloir changer le monde pour en sortir.
Ne jugez-vous pas, comme l’a proposé M. Sarkozy la semaine dernière, qu’il faille, par exemple, davantage contrôler les institutions financières et les hedge funds?
La question n’est pas plus ou moins de contrôle, mais quel contrôle? Pendant des décennies, les économistes se sont penchés sur le sujet, sans avoir jamais trouvé la bonne réponse. Je ne crois pas qu’on découvrira la solution en organisant un sommet avec vingt chefs d’Etat. Pensez-vous que vingt chefs d’Etat réunis jusqu’à 3 heures du matin puissent découvrir soudain quelle réponse apporter à la régulation des marchés? C’est ridicule. Personne ne peut prendre cela au sérieux.
Ne peut-on sinon changer les choses, du moins procéder à quelques ajustements? Que pensez-vous des bonus perçus par les banquiers et de la question des hors-bilans?
Vous savez, je ne suis pas favorable au développement extrême des marchés financiers. En tant que ministre des Finances puis Premier ministre, je me suis montré prudent. Toutefois, la crise économique est un événement normal, elle n’est pas l’œuvre de banquiers fous. La profession des économistes a toujours essayé de comprendre les cycles de l’économie ; aujourd’hui, on préfère chercher des coupables.
Le fait est que certains dirigeants de banque ont continué de toucher des sommes colossales quand leurs banques faisaient faillite...
Les salaires de ces patrons me paraissent irrationnels. Néanmoins, je ne suis pas propriétaire de leurs banques et elles ne sont la propriété d’aucun Etat. Je ne vois pas en quoi l’Etat devrait décider de leur niveau de salaire.
Mirek Topolanek a critiqué la tentation protectionniste de Nicolas Sarkozy quand celui-ci a mis en cause les entreprises automobiles qui délocalisent alors qu’elles touchent des aides de l’Etat.
Je ne sais pas exactement ce qu’a dit M. Sarkozy, mais j’ai lu la presse ici. Je peux seulement vous dire qu’en République tchèque ses propos ont créé un mouvement général d’incompréhension. Quand M. Topolanek critique le danger du protectionnisme, je le rejoins tout à fait.
Il est vrai que, pendant cette période de crise, le président français s’est montré, disons, interventionniste.
Oui, comme Colbert.
Quand les Français ont rejeté le projet de Constitution européenne en 2005, certains ne le trouvaient pas assez “social”.
D’autres, comme vous, ne l’estiment pas assez “libéral”. C’est difficile d’y comprendre quelque chose...
Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de se mettre d’accord sur tout. Le rejet de la Constitution ne s’explique pas dans cet aspect social ou libéral. L’idée générale du traité était de créer artificiellement un intérêt commun là où il n’y en avait pas. La réponse des électeurs français a été claire : gardons l’Europe comme elle est.
Que pensez-vous d’une Europe avec un président élu pour trois ans?
Je suis contre.
Vous êtes opposé au traité de Lisbonne, allez-vous quand même y apposer votre signature?
Il faut d’abord que le Parlement tchèque le ratifie.
Depuis la France, nous avons l’impression que la République tchèque a adopté un style "low profile" pour présider l’Europe.
Par rapport au style précédent, oui, c’est vrai. Mais à mon sens, c’est de cette manière que l’Europe doit être présidée.
Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont réclamé un conseil européen extraordinaire sur la crise.
Je ne vois aucune raison pour le faire.
A l’approche des élections européennes, les projecteurs se braquent aussi sur Strasbourg. En France, une jeune secrétaire d’Etat, Rama Yade, a créé l’événement en refusant de se présenter aux élections européennes. Il semble que la jeune génération de politiques ne rêve pas de siéger au Parlement européen...
Ici non plus! La raison est simple : la plupart des gens connaissent leurs élus, leurs ministres, mais ils ne connaissent ni les députés européens ni les commissaires européens. Or, ces derniers sont plus importants que nos ministres!
Si ce qui se passe à Bruxelles est si essentiel, pourquoi les gens ont-ils autant de mal à s’y intéresser?
Parce qu’ils ne comprennent pas la logique de l’Union européenne. Ils n’ont pas compris la Constitution européenne, ni le traité de Lisbonne. Ils continuent de s’en remettre à leurs dirigeants nationaux, quand les décisions sont prises ailleurs.
Si vous refusez le qualificatif d’euro-sceptique, vous êtes tout de même l’un des seuls chefs d’Etat européens à afficher des idées souverainistes.
Probablement. J’en suis désolé. J’aurais beaucoup aimé que le président français soit de mon avis...
En France, votre image n’est pas très bonne. Que pensez-vous de cette offensive médiatique contre vous?
Je n’ai pas compris. Je suis très surpris. Je me demande parfois si ce n’était pas orchestré.
Disons que vous véhiculez des idées : le souverainisme, le libéralisme, qui ne sont pas toujours populaires dans l’Hexagone.
Pour moi, la France reste plus proche de Colbert que de Frédéric Bastiat. Plus proche de Saint-Simon que de Turgot. Et je regrette, mais la France a toujours été plus proche de Jean-Paul Sartre que de Raymond Aron.
Oui, mais Raymond Aron avait le droit de s’exprimer. Autre originalité : vous émettez des doutes sérieux sur le réchauffement de la planète. La fonte de la banquise n’est-elle pas un argument suffisant? En quoi la thèse du réchauffement de la planète est-elle exagérée?
Le mot est faible! L’angoisse du réchauffement est folle et inutile. Il n’y a pas de changements significatifs de climat. De plus en plus d’études statistiques le prouvent. Regardez cette pile de livres, tous sont récents et expliquent que le réchauffement de la planète est une idée fausse.
Vous en avez débattu pendant trois heures avec Al Gore au sommet de Davos. L’avez-vous convaincu?
Al Gore est de l’autre côté! Pour ma part, je pense que la liberté est plus en péril que le climat.
François de Labarre, Paris Match, le 12 février 2009
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